Les Gastéropodes

Le gastéropode et sa lenteur proverbiale ont-ils encore leur place dans notre monde en perpétuelle accélération ?
Si l’on en juge par la quantité d’escargots consommée chaque année en France, la réponse ne peut être que positive : 16 000 tonnes soit 424 millions de « bêtes à cornes » accommodées sous diverses formes, dont la fameuse sauce aux lumas, spécialité réputée en terre poitevine.
Une vision toutefois restrictive de ces animaux étranges et indolents.

Connu autant des gourmets que des naturalistes, le Petit-Gris est l’une des 113 espèces de Gastéropodes qui fréquentent nos campagnes. Crédit photo : Miguel Gailledrat

La cagouille qui cache le gastéropode

Les escargots de consommation appartiennent à peu d’espèces dont le ramassage dans la nature est soumis à réglementation. Le plus connu par chez nous est sans conteste le Petit-Gris Cornu aspersum, qui, déjà au milieu du XIXe siècle, était vendu en quantités sous le nom de « moucle de vignes » sur les marchés poitevins au prix de 2 à 5 francs le mille selon les saisons. On peut toujours le ramasser toute l’année à condition que la coquille soit bordée et pour une consommation privée. La cession gratuite ou onéreuse est donc interdite. Mais le Petit-Gris tolère très bien la reproduction en captivité et les élevages sont de fait assez nombreux.

Ce qui n’est pas le cas pour l’Escargot de Bourgogne Helix pomatia ou « Gros-Blanc », difficile à « domestiquer », de sorte que ceux consommés en France proviennent pour la plupart d’Europe centrale. Dans la Vienne, c’est une espèce localisée, connue de 72 stations réparties dans 29 communes, et dont le ramassage est interdit du 1er avril au 30 juin, et le reste de l’année si la coquille est inférieure à 3 cm.

Le « Gros-Blanc » peut être confondu avec l’Escargot turc Helix lucorum de même taille, originaire des Balkans et de la Turquie, introduit en 1883 dans la région lyonnaise pour un élevage peu concluant, à l’instar de l’Escargot de Bourgogne dont il devait pallier l’incompatibilité avec la captivité. On le connaît dans 19 communes de la Vienne où il est rare.

Ces espèces visibles, ou spectaculaires, porteuses d’une réputation culinaire de renom, masquent pourtant l’existence d’une faune malacologique particulièrement riche et encore assez méconnue quant au statut et à la répartition des espèces.

À propos de malacologie

Les mollusques continentaux rassemblent une grande quantité d’espèces, pour la plupart de taille modeste. Nous laisserons de côté les bivalves, qui sont traités à part, pour nous intéresser aux gastéropodes terrestres et aquatiques, avec ou sans coquille.

L’Escargot de Bourgogne est le plus gros escargot qui fréquente notre département. Ses populations sont établies dans le Loudunais et le Montmorillonnais. Crédit photo : Alban Pratt.

L’enroulement de la coquille et le nombre de ses spirales sont des éléments discriminants pour la détermination d’un escargot. Ici l’Hélice des ruisseaux. Crédit photo : Samuel Ducept

L’étude des Mollusques, la malacologie, a connu son heure de gloire au cours du XIXe siècle. De nombreux inventaires régionaux ont vu le jour à cette période où l’on décrivait les nouvelles espèces à qui mieux-mieux. Cet engouement a donné lieu dans la Vienne à l’étude de Lubin Mauduyt qui observa 124 Gastéropodes terrestres et aquatiques.

Aujourd’hui, la liste départementale fait état de 113 espèces. Cette diminution est un phénomène qui illustre bien l’évolution de cette discipline au cours des 200 ans passés. Afin de freiner la profusion de description d’espèces nouvelles, quelques malacologues se sont employés, au début du XXe siècle, à réviser et simplifier la systématique en rassemblant sous un même taxon les formes géographiques parfois nombreuses et considérées auparavant comme des espèces à part entière.

Actuellement la malacologie est une discipline qui peine à rassembler un grand nombre de naturalistes, même si les outils de détermination disponibles permettent de débuter dans de bonnes conditions d’apprentissage.

Un univers au ralenti

À y regarder de plus près, simplement en prenant le temps d’inspecter son jardin, on remarque l’omniprésence d’escargots et de limaces. Les Gastéropodes colonisent la plupart des milieux selon des cortèges d’espèces aux exigences écologiques proches. Certaines sont plus inféodées aux habitats à dominante sèche, d’autres à la fraîcheur et à l’humidité, et une proportion plus faible est purement aquatique, telles les limnées ou les planorbes.

D’un point de vue anatomique le modèle escargot à coquille arrondie comme le Petit-Gris n’est pas la règle, loin de là, car on trouve de nombreuses espèces à la coquille aplatie comme les veloutés ou les luisants, ou allongée tels les bulimes ou les ambrettes. Seul point commun, toutes ces coquilles sont hélicoïdales. Quant aux limaces, elles cachent leur minuscule coquille résiduelle au sein de leur manteau et semblent donc ne pas en posséder, à l’exception des Testacelles qui exhibent une petite écaille.

En hiver, tout ce joli monde se réfugie, les uns dans leur coquille close hermétiquement et les autres dans un abri leur assurant un niveau d’humidité suffisant pour survivre : sous terre, dans une cave, la fissure d’un mur…

À une vitesse de quelques dizaines de centimètres à quelques mètres par jour selon les espèces, les mollusques terrestres évoluent sur leur territoire en quête d’une nourriture souvent végétale, mais aussi carnée pour certains d’entre eux comme les Testacelles.

Avec les escargots, les limaces composent le second grand groupe des Gastéropodes. La Grande Loche, est commune dans les bois et les prairies. Crédit photo : Serge Ninanne

Crédit photo : Samuel Ducept

En quête de mollusques

On peut imaginer que vivre au rythme des gastéropodes facilite logiquement leur recherche. C’est sans compter avec la diversité des espèces et la petite taille de beaucoup d’entre elles. Outre la recherche à vue dans différents habitats, le naturaliste doit aussi se munir d’une série de tamis afin de récolter les petites espèces de la litière. Il est important de constituer une collection de référence des coquilles afin de comparer les spécimens et faciliter leur identification. En fait, une part notable des inventaires est collectée sur le terrain pour être identifiée à la maison avec l’aide d’une loupe à fort grossissement. Et dans certain cas il est nécessaire d’immoler l’animal pour l’identifier grâce à ses génitalias, comme on le fait également pour quelques papillons. Un pas que tous les naturalistes ne s’autorisent pas à franchir.

Il existe aujourd’hui 22 espèces déterminantes de gastéropodes terrestres et aquatiques en Poitou-Charentes, dont 12 sont connues dans la Vienne. Parmi celles-ci, on peut citer la Veloutée plane dont la coquille est pourvue de poils, le Vertigo des marais de moins de 3 mm, ou encore la Grande Limace en limite de répartition.

Il reste un travail conséquent à produire dans notre département pour éclaircir nos connaissances des gastéropodes terrestres et aquatiques, notamment en ce qui concerne leur statut de conservation et leur répartition. Et de belles découvertes sont encore possibles comme le prouve celle de la Bythinelle de Lusignan, nouvelle espèce pour la science décrite très récemment.

Un terrain d’investigation très prometteur pour les naturalistes désireux de se lancer à la poursuite des loches et autres cagouilles, sans crainte d’être pris de vitesse si ce n’est, malheureusement, par la disparition des espèces les plus vulnérables.

Extrait de :
Vienne Nature, 2017. Bêtes et plantes de la Vienne - déambulation dans la biodiversité départementale. Vienne Nature éditions, Fontaine-le-Comte. 240 p.

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