La Gallaselle, un crustacé endémique
La Galaselle est un crustacé vivant dans les eaux douces souterraines que l'on ne connait qu'à travers les puits, sources et fontaines. Le nom de son genre Gallasellus signifie littéralement "Aselle de Gaule". Elle a été décrite pour la première fois en Poitou dans la commune de Gourany-Loizé dans les Deux-sèvres. La station est restée la station type internationale.
Une découverte à rebondissement
La découverte de la Galaselle remonte aux années 1950 par Gabriel Heily, technicien CNRS à l'Université de Poitiers et l'un des fondateurs de l'actuel Spéléo-club Poitevin. Il collecte, en juillet 1955, d'étranges petits crustacés, tout blancs, dans le lit de la rivière souterraine de Bataillé. Il les transmets à Jean-Jacques Legrand, professeur fondateur du Laboratoire de la Biologie Animale de l'Université de Poitiers, qui les examine, les décrit comme une nouvelle espèce. Il la nomme Asellus Heilyi en hommage à son découvreur dans un article publié en 1956: "Contribution à l'étude de la faune cavernicole de l'ouest de la France. II. Asellus Heilyi,n.sp"
L'animal retombera dans l'oubli pour quelques années, avant que deux universitaires dijonnais, Jean-Paul Henry et Guy Magniez ne s'intéresse de nouveau à lui et viennent entreprendre des collectes à Bataillé pour monter des élevages en Bourgogne. Dans les années 1970, ils réaffirment grâce au microscope électronique à balayage que l'espèce est suffisamment différentes de toutes les formes connues alors pour la placer dans un nouveau taxon spécialement créé pour elle, le genre Gallasellus.
La Galaselle refera parler d'elle en 1992 lorsque Claude Bou, un passionné des mondes souterrains, la retrouve dans un puit sur l'île d'Oléron. Ce sont ensuite deux universitaires lyonnais, Florian Malard et Christophe Douady qui entreprennent de nouvelles prospections au tournant des années 2000. Ils la retrouvent à la résurgence du Cul Froid, en bord d'Anglin sur la commune de Merigny dans l'Indre puis dans trois autre localités en Poitou-Charentes. Ils mettent aussi en œuvre des analyses biomoléculaires.
Une histoire très ancienne
L'espèce française est issue d'une lignée ancienne de crustacés souterrains qui se serait scindée en deux il y a quelques 150 millions d'années à l'occasion de l'ouverture de l'océan atlantique, laissant côté européen un stock à l'origine de nos galaselles actuelles et côté américain un autre stock, aujourd'hui fleurissant puisqu'on ne compte pas moins de 70 espèces dans le genre Caecidotea.
Une richesse insoupçonnée
Conscients de sa forte valeur patrimoniale, de son statut d'espèce relictuelle, endémique et désormais classée vulnérable sur la Liste rouge nationale, Vienne Nature et Poitou Charentes Nature lui ont consacré un programme d'étude et de recherche en collaboration avec les universitaires lyonnais et poitevins, les acteurs locaux de l'environnement, la communauté spéléologique, le Conseil régional Poitou-Charentes et la DREAL Poitou-Charentes.
La première découverte a été réalisée en 2013 lors d'une prospection avec le Spéléo-club Poitevin dans le lit de la rivière souterraine de Curzay-sur-Vonne. Elle a été identifiée dans une trentaine de site sur le territoire Picto-charentais. Néanmoins à ce jour, on ne la connaît nulle part ailleurs dans le monde que dans le centre ouest de la France.
Plusieurs espèces ?
Des analyses génétiques ont été réalisées par les universitaires lyonnais. Cela a permis une avancée des connaissances. Il existe suffisamment de divergence génétique entre les différentes populations collectées à l'échelle régionale pour pouvoir identifier au moins trois espèces de gallaselles en plus de l'historique Gallesellus heilyi. L'une d'elles n'est à ce jour connue que de quelques spécimens remontés de la mystérieuse "source bleue" de Magné, un peu au sud de Poitiers.
Extrait de :
Vienne Nature, 2017. Bêtes et plantes de la Vienne - déambulation dans la biodiversité départementale. Vienne Nature éditions, Fontaine-le-Comte. 240 p.