La Fritillaire pintade, Fritillaria meleagris, est une printanière précoce parmi les premières espèces à fleurir au sein des prairies humides.
Elle appartient à la famille des Liliacées, c’est-à-dire des tulipes et des jacinthes et passe l’hiver sous terre à l’état de bulbe. Plante du domaine atlantique, elle se rencontre au niveau de la frange ouest du territoire national. Cependant on peut aussi la découvrir de manière plus sporadique au nord et à l’est de la France (Hauts-de-France et Bourgogne Franche-Comté).
Très reconnaissable et dotée d’atouts esthétiques indéniables, c’est une plante très connue du grand public comme en témoignent les nombreux noms populaires (une quinzaine de noms patois poitevin saintongeais) dans notre région : coquelourde, bounet-d’évêque, chaudroune, pampalène, papelote…
Un nom semble encore en usage dans la Vienne : le « prot » qui désigne aussi la pintade de basse-cour. Cette popularité nuit malheureusement à sa préservation, à en juger par les nombreux bouquets ramassés par les promeneurs, ou pire ceux que l’on retrouve en vente au printemps sur certains marchés poitevins et les pieds de Fritillaire transplantés au sein de certains jardins d’agrément situés au bord de rivière.
Le bulbe au frais...
Les prairies inondables constituent son milieu de prédilection, mais on peut également la rencontrer au sein de forêts alluviales claires. La fermeture du milieu par une végétation arbustive dense et l’absence de lumière ne la font pas disparaître immédiatement mais semblent gêner fortement sa floraison et nuire à sa reproduction sexuée.
Une fois implantée, elle semble bien résister aux perturbations de son milieu, puisque de très grosses populations (près de 100 000 pieds, vallée de la Boivre) ont été découvertes sous des plantations de peupliers. Ces dernières hébergent environ 30 % des stations à fortes densités de pieds de Fritillaire (+ de 1 000 pieds/ha). Elle semble également résister à l’assèchement de son milieu suite à la canalisation et au surcreusement du ruisseau qui devait naguère inonder la prairie où elle s’est implantée il y a plusieurs dizaines d’années (Vallée de la Briande).
Cette adaptabilité a cependant ses limites et l’on repère très facilement une prairie qui a été labourée plus ou moins récemment, notamment par son extrême pauvreté biologique, mais aussi parfois aux Fritillaires présentes seulement aux bordures de la parcelle et aux pieds de haies adjacentes. Ces dernières sont les témoins d’une population ancienne décimée par le travail du sol.
...et les graines dans le vent
L’efficacité de la reproduction sexuée (par les graines) de cette espèce reste mal connue.
La Fritillaire produit des graines légères à ailettes dont on suppose que le vent les emmènera loin. Pour parfaire cette stratégie de dissémination éolienne, le fruit, d’abord penché à la façon d’une clochette (comme la fleur) se redresse au fur et à mesure de sa maturité jusqu’à adopter une position « droite » avant de s’ouvrir par le haut. Dans ces conditions, seuls de forts vents capables d’agiter énergiquement le fruit permettront l’éjection des graines. Ce pouvoir de colonisation potentiel se ressent également en présence de prairies entièrement recouvertes, et de manière homogène, de plusieurs dizaines de milliers de pieds à l’hectare.
La Vienne riche en « prot »
Dans notre département, Vienne Nature a coordonné un inventaire de la Fritillaire pintade entre 2007 et 2009, mobilisant un grand nombre de ses bénévoles, des botanistes confirmés aux néophytes curieux de nature. Cet inventaire semble avoir également suscité l’intérêt d’un large public à en croire les nombreuses personnes qui ont souhaité partager leur connaissance de l’espèce (messages, appels téléphoniques, témoignages, etc.). Ce sont ainsi plus de 600 stations qui ont été répertoriées comptabilisant plus de 550 000 pieds estimés, répartis sur 81 communes et 28 cours d’eau.
La vallée du Clain constitue le principal réservoir de l’espèce dans notre département. La Fritillaire est également bien représentée au sein des vallées de la Luire, de l’Auxance, de la Boivre, de l’Ozon et de la Clouère. Bien que présente sur la portion de Charente en Vienne, elle y apparaît peu fréquente. Elle est aussi quasiment absente des berges des grands cours d’eau de notre département que sont la Vienne, la Creuse et la Gartempe. La hauteur des berges par rapport au niveau d’eau ne permet pas l’inondation hivernale et printanière nécessaire à l’expression des prairies humides favorables à son développement. De ce fait, leur occupation coutumière par des parcelles cultivées ou urbanisées nuit à son implantation. Sa préférence pour les sols calcaires basiques explique la rareté de l’espèce dans la région montmorillonnaise et son absence du Confolentais pour le département voisin de la Charente. Elle est présente de manière très sporadique dans le nord-ouest de notre département (une station à Angliers et Mazeuil) où la forte emprise de l’agriculture intensive a fait disparaître les prairies humides depuis bien longtemps et où les petits cours d’eau ont l’allure de fossés rectilignes qui ne débordent que très rarement tant les cours d’eau principaux ont été surcreusés.
On la retrouve plus au nord dans le département voisin du Maine-et-Loire avec des densités similaires à la Vienne selon l’inventaire mené par la LPO Anjou. Plante protégée au niveau régional dans les régions limitrophes du Centre et de l’Aquitaine, sa cueillette est aussi réglementée, voire interdite par arrêté préfectoral, au sein de départements proches : Loire-Atlantique et Indre-et-Loire.
Dans notre département, la Fritillaire pintade est une plante assez commune et ne bénéficie ni de protection, ni de réglementation quant à sa cueillette. Cependant le Poitou-Charentes occupe une large part de son aire de répartition et a donc une grande responsabilité dans la préservation de cette espèce au niveau national.
Extrait de :
Vienne Nature, 2017. Bêtes et plantes de la Vienne - déambulation dans la biodiversité départementale. Vienne Nature éditions, Fontaine-le-Comte. 240 p.
Fiche récapitulative
La fritillaire est une plante printanière bulbeuse de la famille des liliacées. Appelée communément tulipe sauvage, elle porte de nombreux noms locaux évoquant sa forme ou sa couleur : coquelourde, chaudron, coccigrole, damier, paloube, papelote,frojhe, bonnet d’évêque…
Son nom latin, Fritillaria vient de Fritillus désignant un cornet pour jeter des dés et meleagris est la traduction latine de la pintade, dont le plumage est tacheté de la manière des pétales de la Fritillaire.
Elle fleurit de façon grégaire à partir de la mi-mars et pour un mois environ. Sa répartition nationale est comprise entre la vallée inférieure de la Loire, le Poitou-Charentes et le bassin de la Garonne.
Son habitat principal est la prairie humide, qui peut se décliner sous plusieurs formes comme la prairie alluviale inondable ou évoluer en forêt alluviale inondable (aulnaie, peupleraie ….).
Protection
Une plante d'intérêt patrimonial : la Fritillaire est classée comme espèce prioritaire dans la liste rouge de la flore menacée du Poitou-Charentes (Société Botanique du Centre Ouest, 1998). elle est inscrite sur la liste rouge régionale des espèces déterminantes en Poitou-Charentes (Poitou-Charentes Nature, 2001). Elle est protégée dans 6 régions françaises et une trentaine de départements ; il serait souhaitable qu'elle le soit aussi en Poitou-Charentes.
Menaces
Encore considérée comme très commune il y a peu, ses effectifs ont considérablement régressé depuis une quarantaine d'années. La principale cause en est la disparition de son biotope de prédilection : la prairie humide. Drainage et mise en culture, conversion en peupleraie intensive, fertilisation massive des prairies, sont autant d'atteintes aux fritillaires, qui souvent ne subsistent qu'en limite de parcelles ou au bord des chemins.
Quelques bonnes pratiques
Pour conserver, voire favoriser le développement de la fritillaire, il faut respecter son biotope :
- maintien des inondations naturelles,
- pression de pâturage raisonnée, afin de limiter le tassement du sol,
- limitation des fertilisants et des traitements phytosanitaires,
- favoriser la restauration des prairies humides ...
- mise en place d'une politique globale de valorisation et de conservation des fonds de vallées, également favorable à la protection des ressources en eau et à la survie des Courlis cendrés, amphibiens et orchidées des prairies humides.