Bassines : le tribunal administratif fera-t-il la pluie et le beau temps ?
Fontaine-le-Comte, 8 juin 2020
Contact presse : Caroline Lemenicier, chargée de communication, 05 49 88 99 04
Le Tribunal administratif de Poitiers vient de décider que dorénavant il pleuvrait assez en Vienne pour remplir les nappes.
En effet il a rejeté les recours de Vienne Nature, l’UFC Que-Choisir, la Confédération Paysanne et de nombreuses associations de défense de l’environnement contre les projets de 27 bassines réparties sur le Clain Moyen, l’Auxance et Dive-Bouleure-Clain Amont. Ces trois lots font partie d’un projet global de stockage de 10,5 millions de m3 que 150 irrigants espèrent pomper en hiver dans les nappes souterraines du bassin du Clain.
Mais les faits sont têtus :
- Dans la Vienne, « on n’a pas de nappes de forte capacité de stockage » (Directeur de la DDT, Nouvelle République/Centre Presse du 25/05/2020) ; même correctement remplies, elles ne parviennent pas à soutenir l’étiage des cours d’eau : ce fut le cas en avril 2020, avec des débits en dessous de la moyenne saisonnière. Déjà sollicitées pour 9 millions de m3 pompés en hiver, elles ne supporteraient pas une ponction hivernale supplémentaire de 10, 5 millions pour remplir l’ensemble des nouvelles bassines.
- Les 9 millions de pompage hivernal ont été oubliés dans les calculs fournis à l’enquête publique. Aucune évaluation scientifique des risques cumulés d’un doublement des prélèvements hivernaux n’a donc été faite. Public et élus ont été trompés par des prévisions rassurantes infondées.
- Si les projets de bassines se réalisaient, le volume annuel d’eau d’irrigation autorisé resterait le même malgré le changement climatique. Les projets violent l’obligation légale de 20 % de diminution : le tribunal le reconnait sans équivoque, mais considère que ce n’est pas grave. Est-ce un feu vert pour respecter la loi à 20 % près ?
- Le maintien avec les bassines d’une autorisation annuelle de prélèvement surdimensionnée et illusoire de 37,6 millions de m3 ne ferait qu’inciter les gros irrigants à ne rien changer à un système de grandes cultures arrosées qui compromet l’alimentation en eau potable et le bon état des milieux aquatiques.
Arrêtons l’aspersion du maïs. Réservons la ressource disponible pour les cultures d’intérêt public : maraîchage, légumes de plein champ, arbres fruitiers, fourrage… Il y a assez d’eau pour assurer l’autonomie alimentaire de la population sans besoin de bassines.
Relocaliser les productions alimentaires est une urgence que la crise du Covid 19 a mise dans toutes les têtes et ce changement de système agricole concerne tous les citoyens.
Téléchargez le communiqué à ce lien.
En complément
Suite à la publication d’un article le 9 juin 2020, Vienne Nature a souhaité pointer l’erreur de formulation utilisée par la Nouvelle République :
Dans l’article du 9 juin paru dans la Nouvelle République, une erreur a dénaturé les jugements du Tribunal administratif de Poitiers concernant les trois arrêtés validant les projets de 27 bassines sur le Clain. Selon la Nouvelle République, le Tribunal administratif aurait jugé sur le fond en estimant que « le projet validé par la préfète contribue à faire évoluer dans le bon sens l’utilisation de l’eau ».
Une telle appréciation n’est pas dans les compétences du Tribunal administratif. Il est resté dans son rôle en ne se prononçant que sur des critères strictement juridiques : le surdimensionnement avéré des bassines projetées viole une disposition du SDAGE[1] (7D-3) mais « ce seul motif ne suffit pas à considérer que la décision litigieuse est incompatible avec le SDAGE dès lors qu’aucune autre disposition de ce document n’est méconnue ». Le tribunal estime en effet que le SDAGE n’est violé ni par les lacunes dénoncées par les associations dans les études d’impact ni par le dispositif de substitution (substituer « à des prélèvements d’eau d’irrigation effectués au printemps-été par des prélèvements réalisés en période de hautes eaux »).
Le tribunal estime que l’incompatibilité avec un SDAGE doit se fonder sur un ensemble de violations et le tribunal n’en reconnait qu’une, ce qui lui permet de nous donner raison sur le fond, le surdimensionnement, et tort sur la forme. Au contraire, dans son jugement sur le projet de bassines de la Clouère, le même tribunal avait estimé qu’un surdimensionnement patent, en violant une disposition essentielle du SDAGE, suffisait à établir l’incompatibilité. Mais le tribunal a parfaitement le droit de changer d’appréciation.
Reste l’essentiel : outre les dégâts sur l’alimentation des cours d’eau et l’eau potable, le remplissage des bassines par pompage hivernal dans les nappes renforcerait l’aspersion massive du maïs-grain voué à l’exportation aux dépens des cultures alimentaires de première nécessité.
La crise du COVID 19 a mis dans toutes les têtes la nécessité de l’autonomie alimentaire : il faut garder l’eau disponible pour relocaliser le maraîchage, les légumes de plein champ, les arbres fruitiers, le fourrage. Il faut cesser de vider les nappes pour arroser le maïs.
[1] SDAGE : Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau
Crédit photo : Nature Environnement 17