Pour beaucoup, les Cigales sont des insectes méditerranéens, synonymes de farniente et de longues journées ensoleillées au son des kzz kzz kzz kzz. La situation privilégiée de la Vienne nous permet d’accueillir cinq espèces parmi les vingt-quatre que compte le territoire national.
Un trait de biologie
Les cigales sont des insectes ailés appartenant à l’ordre des Hémiptères, comprenez des piqueurs-suceurs avec ailes en toit sur le dos. Cet ordre est divisé en deux sous-ordres : les Hétéroptères (punaises) et les Homoptères (cigales, pucerons, cicadelles…).
Après une longue vie souterraine qui s’étend sur plusieurs années (quatre en général) à piquer les racines de divers végétaux, la larve sort à la lumière pour s’installer sur une tige à la manière des Odonates. L’adulte, une fois extirpé de sa carapace, laissera derrière lui son exuvie. Il aura besoin d’un moment de séchage pour étendre ses ailes, les irriguer correctement. Viendront ensuite les premières cymbalisations et la recherche d’un partenaire. Les adultes sont également des piqueurs-suceurs, ils se nourrissent de sève plantant leur rostre sous l’écorce des végétaux.
Les cymbalisations se font entendre dès lors que la température avoisine les 25 degrés, en général cela intervient courant mai. Les sons sont produits par une sorte de boîte à musique composée de deux cymbales et d’une caisse de résonance, le tout situé sous l’abdomen. Les cigales adultes sont relativement difficiles à déterminer, notamment dans le groupe des Cicadetta. La séparation des espèces se fait principalement par le chant, parfois aussi par l’étude de la nervation des ailes.
La Cigale rouge, Tibicina haematodes, est la plus facile à détecter dans le département grâce à ses cymbalisations puissantes. Crédit : Samuel Ducept
Les espèces du département
Tibicina haematodes, la Cigale rouge
Elle est certainement la plus facile à détecter dans le département tant ses cymbalisations sont puissantes.
Largement répartie, elle est surtout présente le long des grandes vallées alluviales, mais on peut entendre des individus isolés un peu partout. Les mâles s’installent dans les grands arbres pour témoigner de leur présence, ils sont audibles à plusieurs centaines de mètres.
Cicada orni, la Cigale grise
Une seule observation a été rapportée en 2015 pour cette espèce plutôt méditerranéenne dont les données sont très éparses au nord des Charentes. Il s’agit dans ce cas probablement de mâles en recherche de nouveaux territoires. Les populations installées au plus proche de la Vienne sont situées autour de l’agglomération angoumoisine, en Charente.
Cicadetta petryi, la Cigale des collines
Le complexe des Cicadetta fait l’objet d’évolutions constantes, si bien que nous ne savons jamais à quelle sauce va être nommée notre petite cigale des collines. Le statut de Cicadetta brevipennis à laquelle étaient rattachées nos observations, a été revu et sa répartition précisée. Il semble qu’elle ne fréquente que le pourtour méditerranéen.
Nous avons donc affaire, dans la Vienne, à Cicadetta petryi. C’est une petite espèce très discrète aux cymbalisations ténues qui fréquente les coteaux secs, les landes et les espaces bocagers. Sa répartition en France est assez curieuse : Alpes du sud, Massif central, Alsace, Cher et Poitou-Charentes…
Tettigettalna argentata, la Cigale argentée
Les cymbalisations de cette cigale peuvent faire penser au chant d’une sauterelle.
Elle n’est connue que sur quelques rares coteaux calcaires ensoleillés, notamment autour de la Vallée de la Vienne. En France, elle ne fréquente que le pourtour méditerranéen où elle ne dépasse pas la Drôme.
Cicadetta montana, la Cigale des montagnes
Répartie essentiellement à l’est du pays, elle n’est connue que des Grandes Brandes de Lussac-les-Châteaux.
C’est une espèce discrète dont la répartition reste à préciser.
Les espèces à notre porte
La répartition des cigales n’est pas encore très bien connue et les tendances climatiques nous incitent à penser que les aires de présence peuvent évoluer. Il faudra probablement compter sur l’arrivée prochaine de Lyristes plebejus la Cigale plébéienne signalée en Charente et de Cicadetta cantilatrix la Cigale chanteuse, donnée de l’Indre et l’Indre-et-Loire.
Statuts
Les connaissances acquises sur les cigales qui fréquentent le Poitou-Charentes ont permis d’intégrer ces insectes dans les programmes de Listes rouges et la révision des listes d’espèces déterminantes pour les créations de ZNIEFF. La sensibilité des habitats fréquentés par la Cigale argentée et par la Cigale des collines leur a valu d’être inscrites sur la Liste rouge en tant qu’espèces « Vulnérables ».
La Cigale des montagnes Cicadetta montata, ayant été découverte après la publication de la Liste rouge, son statut n’a pas été évalué.
La Cigale argentée, Tettigettalna argentata. Crédit : Samuel Ducept
Envie de vous lancer ?
Les liens donnés ci-dessous contiennent toutes les informations pour être capable d’identifier les cigales du département.
Comme évoqué plus haut, la répartition des espèces est certainement très sous-évaluée et un gros travail de prospection reste à faire. Il est même probable que nous allons découvrir de nouvelles espèces en tendant l’oreille.
Et pour les plus durs de la feuille, les détecteurs d’ultrasons sont de très bons alliés, notamment pour entendre chuchoter les Cicadetta !
Samuel Ducept, chargé d'études en entomologie à Vienne Nature
Pour aller plus loin :
• Le site internet www.cicadasong.eu/ est intéressant pour reconnaître les cymbalisations de toutes les cigales européennes, et le site http://www.onem-france.org/cigales pour visualiser la répartition française des espèces.
• Bernier C., 2006. Les Cigales (Hemiptera, Cicadidae) de l’Ouest de la France. Appel à participation dès le cadre de l’enquête nationale sur les cigales. Lettre de l’Atlas Entomologique Régional (Nantes), n° 19, 8 pages [disponible sur http://www.onem-france.org/cigales/BIBLIO/BERNIER_2006.pdf].
• Poitou-Charentes Nature, 2018. Liste rouge du Poitou-Charentes. Chapitre Cigales, Mantes, Phasme et Ascalaphes. Fontaine-le-Comte, 10 pages.
